La recherche en sciences humaines a, historiquement et aujourd’hui, porté préjudice aux communautés autochtones et noires. Dans les sciences humaines, ce préjudice trouve son origine dans la construction par l’humanisme occidental de ce que Sylvia Wynter appelle ” l’humain générique ” (” Unsettling the Coloniality of Being “, 290) – une construction de l’humanité qui élève la pensée et la liberté blanches et masculinistes, déplaçant la majorité du monde (les femmes, les Autochtones, les Noir.e.s et les autres peuples racialisés, les personnes queer, trans et bispirituelles, les personnes handicapées, etc.). Au vingtième siècle et par la suite, les méthodologies de recherche empiristes des sciences sociales ont encore renforcé les déficiences présumées de ces groupes, en quantifiant et en énumérant, en particulier, les expériences des peuples autochtones et noirs comme un déficit social permanent. Dans ces modèles de construction du monde, la “grande pensée”, reflet d’une pensée élitiste, canonique et raciste, a élevé les idées de quelques-uns et relégué les savoirs alternatifs et contestataires à la périphérie des universités.
Au Congrès 2023, le Comité de planification scientifique du Congrès s’est engagé à perturber délibérément cette forme de production de connaissances. Cette perturbation commence avec le thème “Confronter le passé, réimaginer l’avenir” et les ODD des Nations Unies pour centrer les savoirs, les histoires et les cultures autochtones et noires. En faisant de la pensée autochtone et noire le prisme à travers lequel nous abordons les crises majeures de notre époque (les catastrophes climatiques, la justice raciale, la violence sexuelle et de genre, les déplacements et la pauvreté), nous cherchons à la fois à nous réconcilier avec les structures suprémacistes blanches des universités et à réimaginer un avenir différent – un avenir dans lequel nous pouvons commencer à nous rapprocher les uns des autres en tant qu’égaux au-delà de nos différences, tel qu’Audre Lorde insiste sur la possibilité (Sister Outsider, 1984).
Cette rupture n’est nulle part plus évidente que dans les quatre causeries Voir Grand, les événements phares traditionnels du Congrès. Au Congrès 2023, nous avons choisi de rompre avec l’idée d’un conférencier unique et remarquable qui pense et écrit de manière isolée, et d’encourager au contraire le dialogue, la collaboration et l’interdisciplinarité. En faisant de la place aux artistes et aux intellectuels publics, nous mettons également l’accent sur une conception de la création de connaissances qui étend le savoir au-delà des frontières nettes des universités et dans les espaces désordonnés de la vie quotidienne.
Dans cette optique, nous avons invité des penseur.euse.s et des artistes autochtones et noir.e.s à dialoguer ensemble sur leurs travaux dans les domaines du cinéma, des arts visuels, de la littérature, de la politique, du genre, de la sexualité et des études féminines, des études sur le handicap et des études sur la diaspora noire.
Le dimanche 28 mai, la première grande conversation sur la pensée, intitulée “Pousser la réflexion au-delà des différences : perspectives liées à la décolonisation, la lutte contre le racisme et le féminisme”, réunira trois universitaires : Joyce Green, chercheuse anglaise, ktunaxa et métisse cree-scots en politique et féminisme autochtone ; Gina Starblanket, chercheuse cree et saulteaux en gouvernance autochtone ; et Rinaldo Walcott, théoricien des études canadiennes noires à l’université de Buffalo. Cette conversation, fondée sur la relationnalité et la réciprocité sociale, sera animée par Christina Sharpe, spécialiste des études noires.
La deuxième conférence du lundi 29 mai, donnée par la cinéaste canadienne et américaine abénaquise Alanis Obomsawin, intitulée ” Graines d’espoir : justice climatique, justice raciale, et résurgence autochtone “, l’amènera à dialoguer avec Eve Tuck, chercheuse en études autochtones et en études critiques sur la race Unangax̂, et Susan Blight, artiste visuelle, cinéaste et étudiante en doctorat anishinaabe.
Le mardi 30 mai, une autre série de provocations dans les perspectives queer, bispirituelles et de handicap critique façonne la conversation entre Alex Wilson, universitaire de la nation crie Opaskwayak et défenseur des bispirituels, Therí Pickens, universitaire afro-américaine spécialiste du handicap et des études littéraires, et SA Smythe, universitaire transpoétique noire et artiste transdisciplinaire. Cette conversation est animée par Sean Hillier, spécialiste des Mi’kmaq et de la politique et de la gestion de la santé.
La dernière conférence Voir Grand du mercredi 31 mai sera donnée par la très honorable Michaëlle Jean, 27e gouverneure générale du Canada, et animée par la juriste Adelle Blackett. Cette conférence propose une réflexion bilingue sur l’avenir des Noir.e.s à travers le prisme historique et contemporain d’Haïti, première république noire indépendante des Amériques.
Cette année, nous invitons également 21 élèves du secondaire à participer aux conférences Voir Grand avec Alanis Obomsawin et Michaëlle Jean. Deux d’entre eux, Amina Ahmed, élève de 11e année de la Westview Secondary School, et Kamahary Mohamed, élève de 10e année du Emery Collegiate, proposeront leurs propres réflexions sur le thème du Congrès par le biais de poèmes originaux.
Ces conférences et diverses perturbations sont au cœur du travail que nous essayons de faire au Congrès 2023, à la fois en faisant le point sur les connaissances en matière de suprématie de la race blanche et en imaginant un ensemble différent de possibilités. Ce type de travail nécessite une collaboration, une réflexion approfondie à travers les genres et à partir de perspectives multiples, ainsi qu’une réimagination audacieuse de ce qui est possible à la fois dans les universités et dans le monde.
En savoir plus sur la série de causeries Voir Grand au Congrès 2023 et participer en vous inscrivant avec un laisser-passer communautaire.
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